Suite à un premier courrier du Collectif du doute envoyé au début de l'été 2022, Monseigneur Jordy a publié une note qui mérite des clarifications. Voici donc un deuxième courrier qui, lui, mérite une publication.
Mon Père,
Vous avez reçu une note de votre archevêque (placée sous ce lien) concernant l’affaire Tartu, suite à notre lettre du mois de juin. Permettez-nous de vous apporter quelques rapides clarifications sur des passages ou des points particulièrement importants et discutables.
« Le collectif du doute, prenant la défense du prêtre soupçonné. »
Le CDD n’est pas, malgré les apparences, le comité de soutien du Père Tartu. Il est certes de bon ton de ne pas l’être, cependant, notre vision et nos préoccupations sont bien plus larges et au-delà de ces considérations. Souffrez au moins que, dans cette affaire, la réputation de notre manécanterie soit entachée et que les mensonges qui reposent sur nous soient démentis. Qu’y pouvons-nous si l’issue honorable de cette histoire est liée à la qualité de son traitement dans son intégralité, le sort du Père Tartu en faisant partie ?
Des victimes […]« victimes de leur mémoire »
Jusqu’à preuve du contraire, le collectif n’a jamais écrit cette citation. L’usage des guillemets voulant nous en attribuer l’origine est abusif. Cette dénigrante expression déforme grandement nos propos. Nous avons cité suffisamment d’ouvrages, d’études et de scientifiques de renommée internationales pour attendre un peu plus qu’une fausse reprise mensongère et dénaturante. Induire par le ridicule le sentiment que le Collectif du doute tient des propos infondés vous empêche de saisir la réalité des problèmes posés. Et là, nous prenons, malgré eux, la défense des plaignants qui risquent fort de devenir les victimes d’une prise en charge inadaptée. Nous avons posé des questions dans ce sens dans nos articles. Est-ce trop demander de veiller sur leur guérison ?
« une cellule fantôme »
Jusqu’à preuve du contraire, le dialogue se réduit à un entretien avec le vicaire général. Nous en avons fait l’expérience et les victimes l’ont dit elle-même dans la presse. Il suffisait aux services diocésains de répondre à nos questions sur ce point et de nous citer les compétences assurant les prises en charge. Le silence force à conclure que l’idée est juste. Maintenant, en l’associant à la citation précédente, l’effet de dévalorisation est renforcé mais fait surtout douter de la réelle compétence des hypothétiques accompagnants face à nos références scientifiques. Nous avons appris très récemment par voie de presse qu’un seul plaignant sur les dix était suivi par un psychologue « depuis quatre à cinq mois ». Pourquoi refuser de nous en informer ? Parce que nous sommes encore loin du compte ? Et les neuf autres, auraient-ils refusé ?
« je ne souhaitais pas enjamber la justice de la République »
Jusqu’à preuve du contraire, c’est déjà fait depuis longtemps. Tous les manquements au droit et à la justice s’accumulent. L’un des plus flagrants reste l’usage abusif du terme de «victime» (même si le « présumé » qui le précède reste une simple précaution, comme dans la presse) sans aucune conclusion d’enquête, ni jugement. De nombreuses décisions ont été prises sans investigation réelle ni l’attente des conclusions du Procureur de la République. Ce dernier peut encore prononcer un autre avis que la prescription et mettre en lumière des contradictions majeures que ne manquerait pas de relever l’avocat du Père Tartu. La Justice est une affaire publique. Tout ne se règle pas en sous-main. Sinon, elle perd sa vertu et sa fonction d’apaisement social… et elle se perd elle-même. Le respect des procédures et des principes fondamentaux que l’on doit à tous est la justice la plus élémentaire que Mgr Jordy refuse d’appliquer. Notons que jusqu’à preuve du contraire, le principe de la « présomption de vraisemblance » à laquelle l’Eglise veut s’attacher est contraire au principe constitutionnel de présomption d’innocence qui doit s’appliquer.
L’INIRR « a estimé recevable les dossiers des petits chanteurs qui se disent abusés »
Jusqu’à preuve du contraire, il revient aussi à l’ordinaire du lieu de juger de la recevabilité d’un dossier pour que l’INIRR le prenne en charge. Se défausser sur cet organe apparaît plutôt comme un refus de prendre ses propres responsabilités. Pour l’instant, à nos yeux, l’argument ne tient pas. Il conviendrait d’abord qu’il vous expose les raisons de cette recevabilité. « Ayant des informations », il serait juste qu’il vous en donne un petit peu la teneur au lieu de jouer la carte de la confidentialité pour que personne ne s’en mêle. Mais le peut-il en l’absence de réelle enquête ? Permettez-nous d’émettre un doute – encore un – sur le « service de la vérité en vue du bien » qu’il vous assure en fin de lettre. Ce « Ayant des informations » ne dépasse pas le degré du qu'en-dira-t-on que même votre archevêque entretient dans son courrier officiel.
« Dès juin 2020, j’ai rencontré le père Tartu pour l’interroger sur les charges qui pesaient sur lui. »
Jusqu’à preuve du contraire, le Père Tartu n’a toujours pas été entendu par les autorités ecclésiales sur ces accusations. Nous non plus, du reste. Aucune enquête n’a été menée officiellement dans le diocèse. En tant que protagonistes, nous le saurions puisque nous devrions être entendus. Pour vérifier la teneur des échanges menés avec l’Ordinaire du lieu à cette époque, il vous suffirait de joindre le Père Tartu – vous pouvez, maintenant qu’il redevient votre « frère prêtre », contrairement à ce que la presse a laissé croire.
« Monseigneur Aubertin avait pris connaissance des charges contre le Père Tartu et avait eu accès à des éléments du dossier »
Quel dossier ? S’il s’agit des enquêtes de la police, c’est difficile à croire car, de manière générale, le Procureur de la République ne communique aucun élément en cours d’enquête, même à l’avocat de la personne mise en cause. Du reste, Mgr Aubertin a plutôt affirmé le contraire dans la presse. L’ouverture d’un dossier ne prouve rien et visiblement aucune suite ne pouvait être donnée. Consulter le Père Tartu permettrait de mesurer l’ampleur de ce qui s’est joué à ce moment-là… et peut-être de comprendre les règlements de compte évoqués dans son communiqué de presse. Par la même occasion, vous pourrez mesurer dans quelle mesure il est « maltraité ». Sur ce point, à cette heure, le contenu de notre article sur la gestion du diocèse est toujours d’actualité.
« j’ai décidé de prendre des mesures conservatoires »
Jusqu’à preuve du contraire, elles sont discutables. Les mesures conservatoires sont en principe signifiées à la personne concernée par écrit et contresignées par l’intéressé. Elles sont par nature provisoires, motivées et imposées dans l’attente d’un évènement futur. A notre connaissance, rien de tel n’a été mis en œuvre. (En revanche, nous avons appris que l’Abbé Tartu aurait été frappé d’une suspense a divinis dans des formes et conditions pour le moins contestables, voire abusives.).
« La justice canonique suit son cours »
De quelle justice parle-t-on ? A quel degré ? Nous n’en savons rien. Jusqu’à preuve du contraire aucune enquête n’a été ordonnée, en tous cas rien d’officiel. La justice canonique nous paraît se résumer dans cette affaire à la justice d’un Archevêque qui décide seul. Mais sur la base de quoi ? Même l’enquête ordonnée par le Procureur de la République n’est pas terminée.
« les deux collectifs ont souhaité entrer en contact avec nous pour faire pression, comme ils ont pu essayer d’instrumentaliser certains d’entre nous. »
Jusqu’à preuve du contraire, il n’a jamais été question de se servir du diocèse pour faire valoir une cause particulière. C’est contraire à nos principes clairement affichés. En revanche, nous pouvions penser être un appui, voire être instrumentalisé, pour que les procédures se déroulent plus équitablement et sereinement. Combien avons-nous été naïfs ! Nous voulons la vérité, pas une simple déclaration officielle de l’innocence du Père Tartu. Nous n’avons pris le parti de personne. Lisez notre discours à la presse. Nous préférerions être considérés comme des lanceurs d’alerte. Et nous avons de quoi nous alarmer.
« éviter d’être l’arbitre de leurs tensions »
Jusqu’à preuve du contraire, nous n’avons pas de contact – donc pas de tension - avec les « Voix libérées » et ne nions pas leur douleur. Il nous est seulement impossible d’adhérer à la ligne de conduite qui nourrit la haine et la vengeance. C’est indigne de la mémoire des Petits Chanteurs de Touraine. Malheureusement, Mgr Jordy a emboité le pas à leur démarche emprunte de dérives idéologiques. Jusqu’à preuve du contraire, elles représentent une menace pour la démocratie, nos institutions et, plus en profondeur, pour l’Eglise, que vous le vouliez ou non. Malgré tout, les discours et les décisions prises au diocèse de Tours nourrissent une culture du Bouc émissaire indigne d’ecclésiastiques. Ne voyez-vous donc pas les enjeux civilisationnels derrière les pratiques médiatico-politiques qui poussent à la pratique de l’arbitraire ? Rappelons au passage qu’il ne s’agit pas de « deux articles parus dans la Nouvelle République » qui mettent en cause le Père Tartu. Vous en avez un inventaire bien plus conséquent sur notre site.
« Le « collectif du doute » m’a envoyé plusieurs courriers insultants »
Jusqu’à preuve du contraire, les initiatives personnelles de trois membres ne sont pas significatives de l’ensemble du CDD et de ses soutiens. Reconnaissons qu’une lettre a pu être particulièrement dure mais elle se conclue précisément par ces termes qui marquent bien une rupture avec nous : « Cette lettre n’engage que moi. » Faire une généralité est contraire à nos objectifs visés et est donc proprement calomnieux. Mais le plus consternant, ici, est le refus de prendre la mesure du désarroi dans lequel ces pratiques peuvent laisser. Face aux blessures, la virulence des mots n’est-elle pas maintenant légitime ? On en accepte pourtant bien plus et sans broncher des « Voix libérées ».
Rappelons que lors de notre seule rencontre avec le vicaire général, nous avons reçu l’assurance de la neutralité de l’archevêque. Le jour de notre conférence de presse, il reçoit un premier plaignant. Le lendemain, il « condamne » publiquement le Père Tartu. Vous y étiez peut-être. Ce revirement prémédité constitue à notre égard une trahison. Non seulement, il nous a décrédibilisé aux yeux des journalistes – comme il s’obstine à le faire dans cette note – mais il a révélé que son avis était déjà arrêté. La neutralité n’était que de façade. Par conséquent, si certains ont réagi fermement, nous le comprenons aisément même si c’est regrettable. De là à évoquer des insultes, nous vous laissons juge. Pour ce faire, nous maintenons à votre disposition l’ensemble des courriers envoyés, personnels et collectifs pour vous permettre de vous faire une idée. Vous n’y trouverez aucune insulte, seulement des propos destinés à exprimer un désaccord profond avec des pratiques que nous pensions naïvement impossibles dans l’Eglise.
Au bout du compte, comme vous n’êtes pas des « prêtres suiveurs sans jugement », quand vous aurez assuré toutes les vérifications de rigueur, vous serez forcé de constater la portée mensongère de cette note. A ce moment-là, dire que votre supérieur est un menteur, sera-ce aussi une insulte de votre part ? Loin de vous « instrumentaliser », nous n’attendons pas d’action particulière de votre part, mais une prise de conscience salutaire de ces dérives nourrissant l’injustice.
Comprenez que nous attendons, nous l’avons assez répété, des preuves, des réponses, des références, des arguments qui démontrent nos éventuelles erreurs… et non, jusqu’à présent, de l’indifférence qui est, au demeurant, le contraire de l’amour. Un dialogue honnête et franc nous aurait paru une solution plus honorable que le mépris. Nous en avons récemment fait part à Mgr Jordy qui refuse d’apporter la moindre considération à des demandes qui revêtent pourtant un caractère public. Comprenez que son silence nourrisse encore pour nous des doutes sur ses actions et ses intentions.
Maintenant, rassurez-vous, un jour viendra où nous cesserons nos activités, quand nous aurons le sentiment que toutes ces perversions arriveront irrémédiablement à leur comble. Nous aurons alors pris, en conscience, nos responsabilités.
Pour le reste, advienne que pourra.
En attendant, nous vous assurons de notre considération fraternelle.
Le collectif du doute.
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