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Les "aveux" du Père TARTU

Au cours de l’enquête menée par les journalistes sur l’Abbé TARTU, dans le crescendo des révélations, le recueil des aveux fut un point d’acmé médiatique qui permit de tirer des conclusions et de classer l’affaire dans l’opinion. Mais la preuve par l’interview reste bien fragile faute de procédure adéquate. Et, maintenant que l'ancien directeur des Petits Chanteurs de Touraine clame son innocence, les certitudes vacillent.


Condamné au pilori à Berne vers 1780. Gravure dans les Tableaux topographiques, pittoresques [...] de la Suisse (1780-1788) de Beat Fidel Zurlauben (Photographie Bibliothèque de Genève, Archives A. & G. Zimmermann).

« Ce que disent les chanteurs, a déclaré le Père Tartu sur TV Tours, je suppose qu’ils ont de bonnes raisons de le dire. Donc, je ne veux pas polémiquer avec eux parce que je les respecte et si je les ai blessés, je leur en demande pardon. De toute façon, ça fait 40 ans ! Qu’est-ce que vous voulez que l’on fasse maintenant, après 40 ans ? »


Cette simple déclaration, dont la formule exacte est ici reproduite, a été considérée comme un aveu et une confirmation de sa culpabilité. Tous les reportages qui ont suivi se sont basés sur cette conclusion. Et pour cause, les plaignants auraient de « bonnes raisons de le dire ».


Ce qui a été considéré comme un aveu n’est une certitude que pour celui qui veut l’entendre.

Malheureusement, avoir une bonne raison n’est pas avoir raison. Par conséquent, ce qui a été considéré comme un aveu n’est une certitude que pour celui qui veut l’entendre. Pour les autres, une question différente se pose à travers ces propos : qu’est-ce qui a poussé ces chanteurs à raconter une telle histoire ? Pourquoi l’ont-ils fait ? La motivation ou l’intention n’est pas à confondre avec la déclaration.


En outre, l’Abbé TARTU dit : « je suppose ». Il considère donc à titre d’hypothèse qu’une vieille histoire refait surface sans qu’il en ait le souvenir. Son avocat ajoutera, plus tard, en soulignant sa volonté de ne pas polémiquer, que sa préoccupation première était de montrer de l’empathie dans un accueil de leur souffrance, visiblement sans en comprendre l’origine.

Du reste, par l’expression de la condition – « si je les ai blessés » – il ne considère pas leur avoir fait du mal. Il se place hypothétiquement dans l’attente d’une explication des reproches. Comment est-il alors possible d’avouer un crime que l’on ignore ?


Mais, sans continuer à « polémiquer » sur les mots, la détermination de l’aveu est discutable dans la forme. Le texte ne dit pas les faits reprochés. Ils sont mentionnés par un simple procédé de reprise : « ce que ». Il faudrait avoir connaissance de l’intégralité de l’entretien pour avoir le sens de ce substitut de langage. Derrière ce pronom dit « démonstratif », qu’a-t-on « montré » au préalable dans la discussion ? Rien ne permet de le constituer. La mise en contexte est indispensable pour mesurer le sens et la portée de ces propos.


Depuis, l’Abbé TARTU a réaffirmé son innocence, non au regard de la loi, mais, dans les faits qui lui sont reprochés. Par un communiqué de presse, il a qualifié de « n’importe quoi » le contenu des plaintes et compte sur de nouvelles procédures juridiques pour se défendre. Les aveux sont donc loin d’être constitués pour qui veut faire preuve d’un peu de rigueur.


En outre, dans le cadre d’une enquête pénale judiciaire, la détermination des éléments constitutifs d’une infraction, la recherche des preuves et les auditions des protagonistes d’une affaire obéissent aux règles strictes du code de procédure pénale, garant du respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles. Les enquêtes sont menées par des personnels qualifiés. Ce n’est qu’au terme d’une enquête complète que le Procureur de la République se fait une opinion du dossier avant de décider soit de l’orienter vers la juridiction compétente, s’il estime avoir suffisamment d’éléments pour engager des poursuites, soit d’un classement sans suites.

Si au cours de l’enquête des aveux sont formulés, ils ne peuvent porter que sur des faits précis et être exprimés librement. Dans les cas où un aveu a été recueilli, il ne constitue qu’un élément parmi d’autres du dossier soumis au juge, s’il est saisi, qui décide d’après son intime conviction.


Le juge saisi a seul qualité et compétence pour déterminer si la parole d’une personne mise en cause constitue ou non un aveu.

Ainsi, et finalement, le juge saisi a seul qualité et compétence pour déterminer si la parole d’une personne mise en cause constitue ou non un aveu. Cette question, subordonnée aux conditions de régularité dans lesquelles l’aveu a été recueilli est soumis à la libre appréciation des juges.


En conséquence, une seule certitude s’impose : les médias n’ont ni la qualification, ni la compétence pour déterminer la réalité ou la valeur d’un aveu. L’enquête médiatique n’étant pas soumise à la même rigueur que l’enquête pénale, elle n’offre aucune garantie quant au respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles. Elle doit donc être considérée avec un recul nécessaire et un regard critique, car elle n’exprime que le point de vue d’un média qui n’est pas tenu à un devoir d’impartialité. Le procès médiatique est guidé par la seule morale personnelle du journaliste, qui ne suit que ses propres règles. Un journaliste peut se comporter tout à la fois comme un procureur, un juge ou un bourreau, sans y voir la moindre contradiction, alors qu’elle est pourtant évidente, car rien ne le lui interdit. Cette liberté de la presse peut parfois conduire à certaines dérives. La preuve médiatique par l’exploitation d’extraits d’interview décontextualisés n’est donc pas recevable car elle n’est soumise à aucun contrôle. Elle pousse à des conclusions autant hâtives que désastreuses.


Dans ce genre de situation, pour se faire une opinion, le bons sens commande d’attendre la tenue d’un procès équitable, seul garant d’une issue honorable pour toutes les parties.


Recueillir un témoignage est une chose. Forcer son interprétation en est une autre.

Dans ces conditions, la conclusion se tire d’elle-même : les prétendus « aveux » de l’Abbé TARTU n’en sont pas, encore moins depuis sa déclaration adressée à la presse visant à dissiper les malentendus.


A présent, les choses sont claires et il faut laisser la justice faire son travail. Si au terme de l’enquête, il s’avérait que les faits sont prescrits et que la tenue d’un procès n’est plus possible, le mise en cause n’en serait pas responsable. L’affaire devrait donc s’arrêter là car personne ne peut se satisfaire d’accusations exclusivement fondé sur la parole de victimes autoproclamées, que l’on sait aujourd’hui clairement contestées. La raison veut que le doute l’emporte.

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