Dans son discours de clôture de l'Assemblée plénière des évêques de France qui s'est tenue du 3 au 8 novembre à Lourdes, en rappelant l'importance de l'espérance comme «vertu chrétienne», le président de la conférence épiscopale, Éric de Moulins-Beaufort, est revenu sur la question des victimes d’abus : une position autant méritante que déroutante.
En cette session, nous avons entendu le point d’étape du groupe de travail sur l’accompagnement que nous devons et pouvons apporter aux personnes qui auraient été victimes à l’âge adulte de violences ou agressions sexuelles de la part de prêtres, ou dans un cadre ecclésial.
D’emblée, en écoutant ce point du discours, un progrès est à noter : les victimes, cette fois adultes, sont enfin considérées par la simple volonté de mettre en évidence les phénomènes d’emprise et de les reconnaître. Le groupe de travail désigné ensuite a fait valoir un témoignage et annonce en recueillir d’autres. Malheureusement, la Conférence a beau suivre en la matière « avec attention les réflexions juridiques en cours », elle compte seulement s’appuyer sur la justice pénale de l’Etat avec ses moyens d’enquête et d’évaluation, considérant du reste « meilleur » que la justice canonique ne prétende pas réunir ces mêmes moyens un jour.
Comment fera-t-elle alors pour les affaires faisant l’objet de prescription que « l’Etat » n’instruira pas vraiment ? Le CDD a concrètement vu comment l’affaire des Voix Libérées a été traitée. Dans ces conditions, comment la justice canonique pourra-t-elle donc statuer sur le sort des prêtres accusés injustement ? Ils existent ; ne nous voilons pas la face [1]. De fait, n’y a-t-il que les victimes et leurs réflexions qui peuvent décrire « un chemin de progression pour l’Église » ? Comment entrer alors dans l’espérance annoncée ?
Puis-je dire que nous avons abordé ce thème douloureux avec crainte, et cependant dans la même perspective d’espérance que le reste ? Car l’apôtre [Paul], dans les chapitres 6 à 8 de sa lettre, montre bien que l’espérance n’oublie pas la gravité du péché et du mal commis ; ni ne consiste à se persuader que le péché peut être surmonté facilement.
Au contraire : saint Paul exprime avec force la prégnance du péché dans la liberté humaine et combien le péché peut être porteur de mort. Mais la grâce du Christ et la puissance de l’Esprit-Saint qui nous est donné, font qu’il est possible et qu’il vaut la peine de nommer le mal pour ce qu’il est ; de faire la vérité et la justice ; et de chercher à avancer vers des relations nouvelles.
Nous avons pu ainsi dans cette session confirmer notre engagement dans la reconnaissance et la réparation que nous devons et voulons apporter à ceux et celles qui ont été victimes dans l’Église. Dans ce travail de vérité et de justice, nous reconnaissons l’œuvre de Dieu qui sanctifie l’Église.
Pourquoi ce principe de Justice et de Vérité n’est-il pas appliqué par le vice-président de cette assemblée plénière dans son diocèse ? Faut-il rappeler qu’un prêtre y a fait l’objet, sans preuve ni procédure, d’un abus de droit conduisant à des maltraitances pour lesquels peu y ont trouvé à redire ?
Récemment, pour une conférence donnée à Tours, justement sur la question de l’emprise, l’Archevêque n’a-t-il pas encore donné lui-même l’autorisation qu’un membre des Voix Libérées lise un témoignage mensonger devant l’auditoire ? En instrumentalisant la réputation de la conférencière, un détournement, une distorsion des réalités historiques de la Manécanterie des Petits chanteurs de Touraine ont été opérés dans l’intention, explicite dans le texte [2], de « salir » la réputation d’un accusé, au demeurant innocent au regard de la loi, qui n’a pas encore été jugé. Dans quelle mesure cherche-t-on une vérité au service de la justice ? Vaut-il la peine de « nommer le mal pour ce qu’il est » ?
Ce témoignage des Voix libérées fera, en son temps, l’objet d’un commentaire, le moment venu, à partir de données proprement factuelles déjà transmises au tribunal canonique.
En attendant, vers quelles relations nouvelles le Diocèse cherche-t-il à avancer ? Les formules, les idées sont louables… mais quel crédit leur donner confrontées aux réalités du terrain ? Quelle espérance en tirer ?
NB : Des liens qui peuvent donner à réfléchir sur ce qui peut se jouer dans une assemblée épiscopale :
Une lettre d’évêque : https://www.youtube.com/watch?v=0VyjEbmE8jo
Suite à cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=e-YtSq1BAq0
Par un prêtre suisse qui ose parler de TOUS les abus :
Intégralité de l’extrait sur le thème des abus et de l’emprise :
En cette session, nous avons entendu le point d’étape du groupe de travail sur l’accompagnement que nous devons et pouvons apporter aux personnes qui auraient été victimes à l’âge adulte de violences ou agressions sexuelles de la part de prêtres, ou dans un cadre ecclésial.
Nous avons écouté avec émotion une personne victime venue nous témoigner ce qu’elle avait vécu. Elle s’est faite le porte-voix des autres. En l’entendant, nous avons renouvelé l’expérience qui avait été si décisive pour nous il y a deux ans, lorsque nous avions entendu des personnes ayant été agressées alors qu’elles étaient mineures, qui avaient accepté de venir nous parler et travailler avec nous. Par son témoignage et par ses réflexions, cette femme, à son tour, nous a décrit un chemin de progression pour l’Église. Car s’il est terrifiant de découvrir comment une relation pastorale, qui devrait être une relation de vie, peut être détournée et pervertie pour devenir une relation d’emprise qui prive la personne victime de sa liberté de pensée et de jugement ; la description de ce phénomène montre aussi qu’il peut en être autrement. Au nom de tous les évêques, je remercie Mme Corinne Boiley qui a accepté de conduire ce groupe de travail ; je remercie la personne qui est venue avec elle passer deux jours ici avec nous ; je remercie les autres membres de ce groupe de travail, et ceux et celles qui ont été ou seront auditionnés. Nous suivons avec attention les réflexions juridiques en cours, en vue de mieux définir l’emprise, et d’en établir les critères. L’aide de la justice pénale de l’État nous paraît essentielle, car elle dispose de moyens d’enquête et d’évaluation que la justice canonique ne peut ni ne pourra réunir, dont il est meilleur même qu’elle ne prétende pas les réunir un jour. Évêques, nous avons à veiller à ce que la tradition chrétienne de l’éducation au renoncement à soi, ne soit pas confondue avec l’emprise, et ne le garantirons d’autant mieux que nous serons conscients que la perversion de l’emprise peut s’y glisser. Un effort a été mené ces derniers mois auprès des associations de fidèles menant la vie commune, pour qu’elles confient à la Commission Reconnaissance et Réparation de la CORREF (Conférence des Religieuses et Religieux de France) le soin d’accueillir les personnes qui auraient été victimes en leur sein, et de les accompagner sur un chemin de réparation ou qu’elles se dotent des moyens de le faire d’une manière respectueuse de ces personnes et de la justice qui leur est due. Nous avons mesuré aussi l’importance du travail commencé en vue d’établir une charte de la relation d’accompagnement spirituel. En mars dernier, notre assemblée a demandé aux conseils presbytéraux dans les diocèses d’étudier le rapport du groupe de travail à ce sujet et d’y réagir. D’autres personnes sont concernées, car l’accompagnement spirituel n’est pas un monopole des prêtres. Il conviendra d’associer ces autres personnes, et de faire aboutir cette recommandation d’ici mars 2025, selon le délai prévu.
Puis-je dire que nous avons abordé ce thème douloureux avec crainte, et cependant dans la même perspective d’espérance que le reste ? Car l’apôtre, dans les chapitres 6 à 8 de sa lettre, montre bien que l’espérance n’oublie pas la gravité du péché et du mal commis ; ni ne consiste à se persuader que le péché peut être surmonté facilement. Au contraire : saint Paul exprime avec force la prégnance du péché dans la liberté humaine et combien le péché peut être porteur de mort. Mais la grâce du Christ et la puissance de l’Esprit-Saint qui nous est donné, font qu’il est possible et qu’il vaut la peine de nommer le mal pour ce qu’il est ; de faire la vérité et la justice ; et de chercher à avancer vers des relations nouvelles.
Nous avons pu ainsi dans cette session confirmer notre engagement dans la reconnaissance et la réparation que nous devons et voulons apporter à ceux et celles qui ont été victimes dans l’Église. Dans ce travail de vérité et de justice, nous reconnaissons l’œuvre de Dieu qui sanctifie l’Église. Il nous conduit à ajuster toujours mieux nos relations pour qu’elles soient dignes de lui, dignes du Seigneur Jésus, vraiment au service de la vie dans l’Esprit-Saint. Plus largement, c’est à cette liberté spirituelle qu’il nous faut nous éduquer nous-mêmes et aider les prêtres, les diacres, toutes les personnes ayant une autorité dans l’Église et tous les membres de l’Église, tous les fidèles, à grandir.
NOTES
[1] Deux cas sont symptomatiques dans l’histoire récente de l’Eglise : En 2016, un adolescent accuse le Père Philippe Dockwiller (43 ans) du couvent dominicain de La Tourette (Rhône). Mis en examen et libéré sous contrôle judiciaire le 4 mars, ce religieux est alors suspendu de ses fonctions, tant pastorales que professorales... Il se suicide. L’adolescent s’est ensuite rétracté par un retrait de la plainte.
En 2018, une lettre à l'évêché d'Orléans avait signalé "des gestes inappropriés" envers des enfants. Enquête de gendarmerie… pas de victime… pas de soutien du prêtre incriminé. Le 21 octobre 2018, le père Pierre-Yves Fumery, 38 ans, s'est suicidé dans son presbytère.
[2] « Certains soutiens actuels sont toujours sous cette emprise et refusent de salir le souvenir de l’homme et de leur jeunesse. » Cette citation montre clairement que certains refusent de faire comme les autres, donc de suivre les Voix Libérées et par conséquent de « salir le souvenir ». Sans ambiguïté, l’intention est claire : il s’agit bien de nuire à sa réputation pour que l’on ne garde en mémoire que l’image d’un monstrueux criminel, et rien d’autre. Par ailleurs, n’étant pas un « soutien actuel », le CDD ne se sent pas concerné par l’emprise dont il est question ici, et qui reste encore à démontrer sur la base de données fiables.
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